La fin de la bague de fiançailles?

Que ce soit durant la période romaine ou encore pendant la Renaissance et jusqu’à aujourd’hui, la bague comme symbole d’union entre deux personnes s’est ancrée comme tradition. Grâce à des coups de maître au niveau marketing au XXème siècle, la bague de fiançailles avec diamant (solitaire) s’est imposée comme un must have. Mais, avec l’arrivée des diamants de laboratoire, identiques à ceux des mines, les habitudes de la clientèle ont commencé à se modifier. En effet, c’est un véritable changement de paradigme qui est en train de s’opérer dans le monde des bagues de fiançailles : et si nous vous disions que le solitaire pourrait disparaître? Dans cet article, nous allons vous conter son histoire et vous proposer son avenir. 

The Fancy V-Shape, une bague de fiançailles ornée de diamants somptueux. 

 

Histoire de la bague de fiançailles: une tradition millénaire

La bague de fiançailles chez les romains

Les origines de la bague de fiançailles naissent très tôt dans l’histoire; elle est déjà connue chez les Romains. La bague de fiançailles, fonctionnant comme gage de promesse, faisait partie de la tradition des sponsalia, marquant l’engagement de deux personnes et l’assurance d’un mariage. Un anneau était offert par l’homme à la femme, le annulus pronubus

N’étant tout d’abord qu’un simple anneau en fer (mention au 1er siècle ap. J.-C.), il devient par la suite plus luxueux, s'ornant de pierres et confectionné dans des matériaux plus nobles comme l’argent, l’or ou encore le bronze. Par la suite, des anneaux avec des mains jointes gravées, symboles de l’engagement éternel, pouvaient être offerts (mention à la fin du 2ème siècle ap. J.-C.). La démocratisation des anneaux de fiançailles a gagné la Gaule et certains ont même été retrouvés à Constantinople. A travers ces trouvailles archéologiques, nous pouvons constater que la tradition n’a cessé de gagner du terrain. 

Bague de doigt en or, culture romaine, 3ème siècle ap. J.-C., The Metropolitan Museum of Arts, New-York. https://www.metmuseum.org/art/collection/search/712072

 

Marie de Bourgogne et sa bague de fiançailles  

Au Moyen Âge, le cas très connu de Marie de Bourgogne qui reçut en gage de promesse de mariage, un anneau en or par l’empereur Maximilien 1er en 1477, est vu comme la première bague de fiançailles ornée d’un diamant. Les diamants restant très rares depuis cette période jusqu’au XIXème siècle, peu de personnes pouvaient s’en offrir et la pratique est donc restée confidentielle et réservée aux personnes ayant le plus de moyens financiers.  

Marie de Bourgogne, peinture sur bois par Niklas Reiser, XVIème siècle, 78,5 × 46,4 × 0,8cm, Autriche, Kunsthistorisches Museum Vienne.


Des millions de carats découverts en Afrique du Sud

Ce n’est que dans les années 1870, avec la découverte de gisements diamantifères en Afrique du Sud, que la société De Beers va commencer son activité. Ces grands gisements très productifs, ont permis à la société de détenir la quasi-totalité de la production mondiale. Ce monopole s’étendra tout le long du XXème siècle et lui permettra de s’affirmer comme leader dans le monde du diamant. Avec l’achat de plus en plus de mines, le géant s’est retrouvé avec énormément de pierres à écouler. Cette abondance énorme des stocks de diamants a poussé le propriétaire des mines, à devoir créer une illusion de rareté afin de liquider les pierres. Mais comment y est-il parvenu?


Un diamant est éternel… mais pas rare!

Des stratégies de communication ont permis par la suite à De Beers, possédant 90% du monopole du diamant au siècle passé, de cacher une réalité: le diamant naturel n’est pas rare, encore moins celui avec une bonne clarté (une des caractéristiques-clé lors de l’acquisition d’un diamant, faisant référence aux 4C). En effet, ces pierres précieuses étaient présentes en abondance dans les mines citées plus haut. Nous verrons par la suite les différentes campagnes marketing qui ont changé la donne. 

 

Crédit photo: Pixabay

Le pouvoir du marketing

Il faudra attendre le XXème siècle et les campagnes de publicité de De Beers pour rendre la bague de fiançailles avec un diamant populaire. 

En 1948, elle réussit un énorme coup de marketing avec son slogan “a diamond is forever”. C’est donc grâce à une stratégie marketing de la société N.W. Ayer & Sons, élue meilleure stratégie du XXème siècle par Advertising Age, que le besoin psychologique pour les diamants sur les bagues de fiançailles s’est insidieusement infiltré dans nos habitudes.

Une autre campagne a ensuite vu le jour afin d’inciter les hommes à dépenser plus pour une bague: “how can you make two months’ salary last forever?”. En faisant cela, De Beers a créé une norme concernant l’achat d’une bague de fiançailles, qu’il faille dépenser deux mois de salaire pour celle-ci. C’est ainsi que cette nouvelle démarche s'inscrit dans les mœurs de la demande en mariage.  


It’s a success story!

Gérant ainsi les habitudes des consommateurs, cette dernière campagne marketing propose aussi l'idée qu'il existe un diamant pour tout le monde. Que l’on soit riche ou pauvre, deux mois de salaire sont le prérequis pour acheter à sa future fiancée une bague. 

Créant une illusion de rareté en affichant des prix hauts, De Beers a réussi un coup de maître car le diamant, comme principal composant de la bague de fiançailles, est devenu incontournable. 

Que ce soit dans le monde occidental ou encore au Japon par exemple, réputé comme un marché impénétrable, les slogans de De Beers sont parvenus à changer les habitudes des consommateurs. Elle pourra aussi compter sur Hollywood avec notamment le film “Breakfast at Tiffany’s”, pour implanter de nouvelles habitudes concernant la bague de fiançailles avec diamant. 

Le succès est total: tout le monde désirait un diamant sur une bague de fiançailles. En effet, il est de coutume aujourd'hui de se concentrer plus sur le diamant et ses caractéristiques que sur la bague elle-même. C’est avec l’adage big is better que l’attention des consommateurs s’est encore plus ancrée sur le diamant, au détriment de l’anneau. 

Renforcé par les autres maillons de la chaîne comme les certificateurs par exemple, De Beers a vu ses ventes exploser. En effet, les certificateurs ont mis en place le panel des 4C, classant les diamants selon quatre critères: color (couleur), clarity (clarté), cut (taille/coupe de la pierre) et carats (poids du diamant). Ce panel rend l’acquisition d’un diamant encore plus compliqué car il crée une véritable confusion pour les acheteurs. 

De Beers réussit ainsi deux tours de force:


  • Inscrire un sentiment de rareté dans les esprits des consommateurs;
  • Atteindre des ventes colossales grâce au marketing.

Mais comme nous le verrons par la suite, le pouvoir du marketing a ses limites et il va même se retourner contre De Beers suite à la venue de nouveaux arrivants sur le marché. 



L'arrivée des diamants de laboratoire sur le marché

C’est grâce à leur arrivée sur le marché des diamants que la tendance a grandement changée. Ces diamants, considérés comme éthiques, sont qualitativement (chimiquement, physiquement et optiquement)  identiques aux diamants extraits des mines. 

En 2018, le Federal Trade Commission indique que l’appellation “diamant” pour ceux créés en laboratoire est valable car ils ont la même empreinte chimique que ceux extraits des mines. C’est une réelle victoire pour le diamant de laboratoire car il obtient définitivement la reconnaissance avec le nom de diamant.  

Une comparaison peut être réalisée avec les glaçons: en effet, chacun est capable d’en créer avec de l’eau et un congélateur. Il en existe aussi à l’état naturel dans les glaciers par exemple; ces deux types de glaces sont identiques au niveau chimique mais l’un est réalisé par l’homme et sa “machine” (le congélateur) et l’autre est fait de manière naturelle (dans un glacier en l'occurrence).

La forte popularité qui s’en est suivie pour les diamants de laboratoire a menacé le cartel des diamants de mines. En effet, de plus en plus de consommateurs ont opté et optent toujours pour ces nouveaux diamants. Cela a entraîné une multiplication des laboratoires et donc une forte concurrence des prix. Cette véritable guerre a provoqué une grande diminution du prix des diamants de laboratoire mais aussi sur ceux extraits des mines. Comme conséquence, un véritable effet domino sur tous les maillons de la chaîne dans le monde des diamants, a été la suite logique de ces événements. 

Bague bandeau Athena’s Wisdom ornée d’une pluie de diamants obtenus en laboratoire.

La réaction du groupe De Beers 

Cet événement dans le monde des diamants a mis à mal les diamantaires qui ont basé leur commerce sur les diamants de mines. En effet, De Beers a tout de suite répliqué en créant sa collection “Lightbox” avec des diamants de laboratoire. Les buts étaient multiples:

  • d’étendre sa clientèle: afin de prendre la température concernant une éventuelle nouvelle tendance à venir;
  • déprécier le diamant issus de laboratoires avec des stratégies telles que:
    • de l’or moins pur;
    • un design très simple;
    • des prix très bons marché;
    • en ne proposant pas de certification pour les diamants inclus dans les bijoux.  

Ce gros investissement de leur part n’avait qu’un seul but: faire comprendre que les diamants de laboratoire étaient de simples copies bon marché. Toutefois, De Beers a complètement sous-estimé la réaction du marché du diamant de laboratoire. En effet, l’offre a surpassé toute expectative et les diamants de laboratoire sont devenus encore moins chers que leurs prévisions. Lightbox n’était donc plus viable car les profits ont été très bas pour leur “sous-collection” mais a tout de même participé à une augmentation de la demande dans le monde pour ces diamants de culture grâce à la publicité faite pour cette gamme. À ce jour, De Beers s’efforce de vendre les derniers produits de sa collection mais ne la continuera pas.

Malgré la réaction de De Beers pour faire face à cette nouvelle menace, les chiffres d’affaires sont en baisse constante pour le groupe, provoquant aussi une perte des investisseurs, comme le géant Anglo American en 2024 par exemple. Les mesures prises par la société démontrent qu’ils n’ont pas réussi à s’adapter à la nouvelle tendance et en paient le prix fort. 

 

Conclusion

Puisant son origine dans la tradition romaine, la bague de fiançailles s’est démocratisée par la suite et se porte toujours à l’annulaire de la main gauche. L’arrivée des diamants de laboratoire sur le marché a complètement détruit le concept de rareté introduit par le groupe De Beers. De plus, la clientèle se rend déjà et de plus en plus compte qu’un diamant n’est plus un investissement financier et encore moins un signe de différenciation. 

Avec la mentalité du big is better, le marché des diamantaires se sont  littéralement tirés une balle dans le pied car cela ne fait plus aucun sens. En effet, une partie de la clientèle est restée persuadée qu’un diamant de grande taille est la meilleure option. Mais avec les diamants de culture et leurs prix défiant toute concurrence, les joailliers de diamants de mines sont désormais perdants. 

Le diamant est sur le point de devenir uniquement un composant de la bague et non plus la pièce maîtresse. Ce phénomène contribuera à une véritable renaissance de la bague de fiançailles, une révolution dans l’histoire de la joaillerie. 

C’est donc un retour aux origines, avec un fort aspect symbolique, inévitable selon nous, qui va se produire et les couples détiendront la plume qui écrira le futur de la bague de fiançailles.

 

The Power of Three, bague avec une aigue-marine, pierre du mois de naissance de mars ainsi qu’un saphir rose et un saphir vert, pierres du mois de septembre. Personnalisable.

Garden of Love, bague ornée de péridots, émeraudes et saphirs bleus, représentant les couleurs préférées du couple ou encore leurs couleurs d’yeux. Personnalisable.

 

Hug Me, bague avec deux formes de pierres différentes, représentant le couple avec leurs couleurs de préférence ou celle correspondant au mois de rencontre et celui de leur mariage. Personnalisable.

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